De l'obéissance sociale - suite

JJ Rousseau

"L’homme est bien le seul être qui passe son enfance et les premières années de sa vie à apprendre, à découvrir, à connaître…puis à apprendre à réfléchir et à penser…pour apprendre au bout du compte à ne plus penser à mesure qu’il s’intègre à la vie en société.

 

A ne plus apprendre.

 

A se contenter d’entendre, d’apercevoir, de croire ce qu’il perçoit. Sans plus s’intéresser. Parce qu’il s’en remet à ses automatismes et que la vie est plus facile ainsi.

 

Il apprend à désapprendre et ne s’aperçoit pas qu’il ne pense plus. Jusqu’au moment où il se retourne sur le chemin qu’il a tracé ces dernières années, regarde sa vie, et se demande ce qu’il en a fait depuis le dernier jour où il a rêvé à ce qu’il voulait en faire. A ce qu’il voulait être.

 

Je crois que je ne sais plus réfléchir.

 

Je ne connais plus grand-chose.

 

J’ai passé des années à apprendre, à faire des études, pour finalement intégrer un moule où chacun doit ressembler à l’autre et s’interdire d’avoir sa propre existence, sa propre personnalité. Je me sens étouffé, tiré vers le bas. J’ai l’impression de régresser et d’apprendre en définitive, petit à petit et au quotidien, à ne plus avoir d’idée sur rien.

 

A ne plus penser.

 

A ne plus connaître.

 

Je sais pourtant faire beaucoup de choses. J’ai le sentiment que je pourrais m’adapter à tout et n’importe quoi, mais que je continue à avancer dans cette voie lisse et limpide qui nous permet à tous de nous sentir exister au sein de cette société, par notre travail, par notre vie de famille, par la maison que nous sommes en train de construire, par les petits morceaux de vie que les jeunes racontent à leurs « amis » sur Facebook pour se rassurer quant à l’importance de leur existence et vérifier l’attention que leur porte leur réseau de connaissances…

 

J’aimais écouter, observer, analyser, discerner,…c’est comme si je ne savais plus le faire, comme si cette faculté m’échappait un peu plus chaque jour, et cela m’insupporte.

 

Peut être devrais-je commencer à me faire un peu plus confiance, à faire davantage confiance à cette vie qui passe et ne nous attend pas. Cette vie qui attend en revanche que l’on s’aime soi-même, pour soi et non pour ce que l’on montre aux autres ou pour ce que l’on essaye de se prouver à soi-même…

 

C’est peut-être à moi de me sentir anormal de penser de cette façon. Anormal, ou du moins différent, trop différent de cette « normalité » environnante. Peut-être que finalement, à me convaincre qu’il faut avoir confiance en soi et avancer au-delà de ce carcan que je ressens, je me prends trop au sérieux.

 

Après tout qui suis-je pour prétendre que la société nous rabaisse, nous enferme ? Pour me poser plus de questions que d’autres ?

 

Je m’en pose, en tout cas. Et je me dis que c’est peut-être l'aboutissement de ma vie d’adulte : avoir commencé à comprendre cet enfermement que l’on accepte tous sans rien dire, et qui nous rassure."