De l'existence - suite

"L’avantage de cette philosophie dans nos existences modernes est bien entendu qu’elle nous offre la sensation transcendante d’être vivants jusqu’au bout des ongles, dans les pires comme dans les meilleurs moments. Et cette sensation nous va bien, nous qui sommes si pressés de vouloir, de demander, de décider, de consommer, de changer, de recommencer…

 

Mais comment assumer ce credo dans nos pires moments, comment assumer l’échec après avoir pris pleinement conscience de notre entière responsabilité vis-à-vis de ce que nous sommes… à chaque instant ?

 

On prend le risque de s’écraser parce que décoller en vaut la peine et qu’il vaut mieux vivre les choses…certes ; mais comment assumer ensuite la conséquence du risque pris lorsque cette conséquence est l’échec ? La douleur ? Le malheur ? Nous sommes certes là encore plus vivants que certains de nos pairs, mais est-ce que ce courage élitiste vaut l’admiration qu’on lui porte ? Comment assumer ensuite la peine, la déprime, la solitude ?

  

 Y a-t-il pire progression dans la connaissance de soi que de ressentir à la fois l’extrême fierté, l’extrême reconnaissance envers soi-même, d’être resté(e) fidèle à ses valeurs et courageux (se) face à ses choix, face à ses décisions… et en même temps l’extrême déception, la honte, la mésestime de soi qu’inspire le fait d’avoir fait le mauvais choix. De se tromper. D’être responsable de son malheur puisque de ses choix. Et de devoir finalement accepter non seulement ce sentiment de culpabilité, mais également cette vie que l’on n’a pas souhaitée.

 

Car à force de se battre pour avoir la vie que l’on veut, pour réaliser ses rêves, ses projets, ou tout simplement pour s’en sortir, chacun de nous reste-t-il capable ensuite de supporter la négation, le vide, le néant de cette vie souhaitée, choisie mais inexistante ? La révolte demeure sans doute aussi présente après l’échec que pendant le rêve et l’ère idéaliste, mais d’une révolte vers soi-même on passe à une révolte contre soi, contre sa situation, contre sa propre existence…

 

 

 Une lutte perpétuelle contre l’absurdité même"