Orphée, Cocteau, Le poète
L’identification du poète antique et du poète parisien devient, d’une œuvre à l’autre, chaque fois plus évidente, soulignée même.
La pièce écrite en 1925 reprend le mythe dans un contexte à la fois moderne et légèrement intemporel. Au premier abord, il ne vient pas à l’esprit d’établir derrière la représentation contemporaine du poète antique la moindre relation avec la vie et la personnalité de Cocteau. Tout au plus peut-on voir un air de famille entre les phrases/poèmes que dicte le cheval à Orphée et les phrases/poèmes du recueil Opéra. Cependant, presque à la fin de la pièce, après qu’Orphée a été déchiqueté par les bacchantes, se noue ce dialogue entre le commissaire chargé d’enquêter sur la disparition brutale du poète et "La Tête d’Orphée", qui parle :
"LE COMMISSAIRE - Vous vous appelez…
LA TÊTE D’ORPHÉE – Jean.
LE COMMISSAIRE – Jean comment ?
LA TÊTE D’ORPHÉE – Jean Cocteau.
LE COMMISSAIRE – Coc…
LA TÊTE D’ORPHÉE - C.O.C.T.E.A.U. Cocteau.
LE COMMISSAIRE – C’est un nom à coucher dehors."
L’identification, très clairement suggérée, peut encore, il est vrai, passer pour un simple gag poétique, sans tirer à conséquence.
Mais les indices se font plus précis dans la version cinématographique de 1950. Dès les premières images, dans une atmosphère indéniablement germanopratine, le poète, incarné par Jean Marais, est présenté comme relégué dans l’oubli par la jeunesse qui lui préfère un nouveau venu dans le monde littéraire : Cégeste. À n’en pas douter, il faut voir là une mise en scène de la propre situation du poète qui vient d’avoir soixante ans et qu’une enquête de Combat du 12 septembre 1948 vient surtout de classer en dix-septième position à la question "Quel est le plus grand écrivain vivant ?".
L’identification deviendra totale dans le troisième film, Le Testament d’Orphée. Il n’y a même presque plus guère de raisons de considérer l’œuvre comme une œuvre de fiction. Cocteau lui-même tient le rôle d’Orphée, ou mieux il "est" Orphée. La fusion entre les deux poètes est absolue. C’est Jean Cocteau que nous voyons à l’image, entouré dans certaines séquences de ses amis du moment et de toujours : Picasso, Édouard Dermithe, Francine Weisweiler, etc. C’est son testament qu’il nous livre, un testament en images étranges pour dire l’étrangeté qui l’a toujours habité. Ne confie-t-il pas d’ailleurs qu’il s’agit "d’une séance de strip-tease, consistant à ôter peu à peu [son] corps et à montrer [son] âme toute nue" ? Orphée est devenu le nom du poète dans l’absolu. Le nom que se donne Cocteau.
Derniers commentaires
J. D'ORMESSON n'est plus! Nous qui avons suivi Audrey au long de cette année ainsi qu' à travers son livre nous devinons son émotion mais lui souhaitons la même ferveur inépuisable d écrire! Réagisse
Le plaisir à te lire est nourricier comme la rosée apporte la fraicheur à une fleur qui a soif.
Que tu sois faite pour écrire est un fait que tu doives continuer une évidence
C'est peut-être différent selon les "uns et les autres"
Avec "Michel Polnareff "